samedi 21 mai 2022

"Lan Caihe, rencontre du vagabond et de l'immortel" 蓝采和 流浪遇仙 (illustrations de Yang Yongqing 杨永青)

 




Sieur Lan du domaine des Lan était un homme aisé qui savait se montrer généreux envers autrui. Le fait de ne pas avoir de fils l'avait longtemps tracassé. Mais la Nature aimant l'insolite, il lui fallut être dans ses vieux jours pour voir enfin venir au monde ce fils tant attendu qu'il nomma Lan Caihe.  


Lorsque celui-ci eut un an, il le soumit à la coutume appelée "saisir à la ronde"*. Il lui présenta, entre autres, un boulier, un lingot d'argent, un sabre précieux, un tambourin, un chapelet bouddhiste, et un livre. Lan Caihe s'empara du livre. Tout en joie, le Sieur Lan se dit que la famille comptait désormais un petit lettré en herbe. 

Coutume populaire consistant à présenter différents objets à un enfant d’un an pour discerner son avenir d’après son choix. 


Alors que Lan Caihe n'avait que deux ou trois ans, un malheur survint au sein de sa famille. Sa mère fut emportée par la maladie. Le garçonnet avait perdu une épaule sur laquelle s'appuyer. 


Peu de temps après, son père se remaria et sa belle-mère lui donna deux petits frères. 


Dès qu'il fut en âge d'aller à l'école, son père lui offrit les services d'un précepteur. Le jeune Caihe révéla des dons naturels et une intelligence fine. En sus de cela, il était studieux. Tous les jours, il travaillait son écriture et récitait les textes classiques par cœur. Il était hautement apprécié par son professeur qui était convaincu qu'il deviendrait plus tard un lettré de grand talent. 


Après la classe, Lan Caihe ne lâchait pas ses livres. Souvent, il cherchait un endroit tranquille pour étudier. La brise d'automne se levait, les chrysanthèmes s'ouvraient, et lui se plongeait dans le monde des livres.  


Mais les heurs et malheurs des hommes sont capricieux, [autant que la tempête est imprévisible]. Le Sieur Lan fut à son tour emporté par une maladie fulgurante. Les servantes trouvèrent sa mort suspecte. Le jeune Caihe avait perdu la dernière épaule sur laquelle s'appuyer. Tous les domestiques de la maison se désolèrent pour lui. 


En effet, sa belle-mère n'attendit pas que le corps de son défunt mari devînt froid pour tomber le masque. Elle protégeait indûment ses deux fils et manifestait une indifférence marquée envers Lan Caihe. Quoi qu'il fît, elle lui cherchait des histoires et le menait à coups de trique. 


Au cœur de l'hiver, elle prenait soin d'habiller chaudement ses deux fils et laissait Lan Caihe grelotter de froid dans son habituelle petite veste sans doublure.


Bien au chaud à l'intérieur de la maison, elle bavardait et riait avec ses deux fils tandis que Lan Caihe n'avait pas d'autre choix que d'endurer la faim et le froid. Celui-ci devait garder la porte d'entrée, mais aussi balayer la neige avec pour seul compagnon un petit chien.


Pour lui, c'en était aussi fini des livres. Tous les jours, il sortait de bonne heure et rentrait fort tard. Et une fois de retour à la maison, il devait encore nourrir les moutons. Ereinté, il en était réduit à s'asseoir dans la bergerie pour pouvoir se reposer un peu. Ses défunts parents lui manquaient énormément. Souvent, il pleurait à chaudes larmes, seul dans son coin.   


Malgré tout le travail fourni, sa belle-mère ne tolérait plus sa présence. Elle craignait qu'en grandissant, il n'emportât avec lui une partie des biens familiaux. A longueur de journée, elle l'ennuyait à plaisir, inventait toutes sortes de mensonges, et racontait qu'il se montrait irrespectueux envers elle. Un jour, en pleine tempête de neige, elle chercha une excuse pour le mettre à la porte.    


Lan Caihe se mit à vagabonder çà et là. Vêtu d'une veste bleue tombant en loques, il gagnait sa croûte en entrechoquant ses claquettes de bambou, en poussant la chansonnette, et en mendiant.


Le soir venu, il trouvait refuge dans un temple délabré. Même si sa couverture n'était pas bien épaisse et que la dalle de pierre était dure, ses nuits passées aux pieds d'un bodhisattva étaient paisibles.   


Un jour, dans la rue, s'en vint un immortel sous forme humaine dénommé Tieguai Li. Boiteux, il s'appuyait sur une canne et portait une calebasse sur son dos. En plus d'être un redresseur de torts, il était aussi capable de ressusciter les morts grâce à l'élixir d'immortalité qu'il transportait sur lui. Nombre de passants, désireux d'étudier les arts magiques à ses côtés, se prosternèrent à ses pieds.


Lan Caihe les imita et se prosterna à son tour pour lui demander conseil. Tieguai Li le considéra un instant. Comprenant qu'il avait affaire à un orphelin, il se prit de compassion pour lui. 


Les gens s'inclinèrent en joignant leurs mains et saluèrent Tieguai Li à qui mieux mieux dans l'espoir d'être pris comme disciple. Une idée traversa alors l'esprit de l'immortel. Désireux d'éprouver leur sincérité, il leur parla dans ces termes : "Si vous désirez de tout votre cœur devenir immortel, rendez-vous demain matin de bonne heure à la tour Wangjiang. Un esquif viendra vous chercher."



Le lendemain matin, dès potron-minet, la tour en question était bondée de monde. Tous avaient les yeux rivés sur le fleuve, attendant la venue du bateau de l'immortel. Comme ils poireautaient depuis déjà un bon bout de temps et qu'il n'y avait rien à l'horizon, ils jetèrent des regards suspicieux sur Tieguai Li. Ce dernier, d'un geste de la main, les invita alors à regarder en contrebas. La seule chose qu'ils virent, ce fut une feuille de bambou qui bringuebalait au milieu des vagues.    


"Si vous sautez sur cette feuille de bambou, vous deviendrez des immortels divins", déclara Tieguai Li. Les candidats échangèrent des regards. Ignorant après tout quel genre de remède contenait la calebasse de Tieguai Li, aucun d'eux n'osa sauter inconsidérément. Alors que tous étaient dans l'indécision la plus totale, Lan Caihe, lui, enjamba le garde-fou et sauta en direction de la feuille. 


Dès l'instant où les pieds de Lan Caihe entrèrent en contact avec le fleuve, la feuille de bambou, devenue gigantesque, supporta, avec une stabilité parfaite, tout le poids du jeune garçon. Après avoir réalisé deux cercles sur l'eau, elle s'éleva lentement dans les airs pour rejoindre Tieguai Li qui, lui, chevauchait un nuage. Maître et disciple s'éloignèrent de la tour Wangjiang en volant et errèrent un peu partout à l'aventure.  


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